Combien sont-ils aujourd’hui à vivre sans toit dans les rues d’une ville comme Genève? Personne ne peut répondre à cette question. Maraudes par grand froid, tournées nocturnes au contact des plus démunis, abris d’hébergement d’urgence, mais pas le moindre recensement officiel. Ces existences en sursis occupent pourtant l’espace public, par tous les temps, à toutes les saisons.

Certaines vivent à la rue depuis des années (allées d’immeubles, escaliers dérobés, cours intérieures), d’autres investissent les parcs ou s’installent sous les ponts au bord du fleuve. Des tanières pour solitaires, des bivouacs communs pour des regroupements de fortune sur des couchages en carton.

Je les croise régulièrement dans ces horaires décalées des reportages de nuit. Je les retrouve à l’aube, à l’heure des descentes de police et des réveils contrariés. Présence entêtante. La ville appartient aussi à celles et ceux qui n’ont pas de lieu à soi pour dormir. Tout est à reconstruire chaque soir. C’est l’exercice de la survie dans son expression concrète.